La chorégraphe Béatrice Massin offre une relecture légère et ludique de La Belle au bois dormant à Chaillot. Recontextualisant le conte de Perrault à l’époque de sa création, cette spécialiste de danse et de musique baroques nous entraîne à la cour du Roi-Soleil avec facétie. Mettant à l’honneur trois jeunes danseurs, la compagnie des Fêtes Galantes privilégie l’audace et la gaité de ces pousses frémissantes. Exquis, frais et pétillant ! On fonce.

La petite salle Maurice Béjart, pas vraiment propice aux mouvements spectaculaires, s’inscrit plutôt dans une démarche intimiste. Ici, un trio de danseurs dans la vingtaine réinvente La Belle au bois dormant sous l’angle de la pointe humoristique et de l’anti-narrativité. Optant pour une approche abstraite, Massin déploie sa réécriture dans un espace nu où seules deux barres lumineuses suggèrent une temporalité en clair-obscur. Sauf la mise en sommeil de la princesse, difficile de trouver des éléments référant au conte spécifique. La chorégraphe préfère coller au plus près au baroque du XVIIème siècle : l’intrigue se passe dans la Cour de Louis XIV où Perrault figure en bon favori du Roi. Les superbes costumes chargés, pleins de frou-frou virevoltants et de perruques vertigineuses, renvoient également à cette époque de démesure extravagante. Lully et Mozart accompagnent avec féerie les pas de notre trio.

Le baroque se caractérise aussi par le thème du miroir déformé : ce jeu de doubles asymétriques se répercute dans la danse du trio par des gestes reflétés dans une synchronie légèrement décalée. Le travestissement s’érige en outre comme détournement identitaire carnavalesque avec la prestation majestueuse de Corentin le Flohic en nourrice maternelle pincée et gracieuse. Le déguisement est bluffant : le danseur s’empare aussi du rôle de la méchante fée cachée dans son chaperon sombre avec des manières effrayantes. Lou Cantor campe une Belle garçonne et farouche, délicieuse d’effronterie tandis qu’Olivier Bioret amuse en père galant et en Prince pataud.

Tandis que la première partie de la danse s’inscrit véritablement dans des pas baroques avec petits sauts et course effrénée, la seconde moitié se veut plus foncièrement comique avec l’arrivée du Prince. Son combat inspiré des jeux vidéo avec la nourrice est désopilant tout comme le réveil vacillant de Belle (sans aucun baiser à la clé pour la délivrer de son mal !) bringuebalée entre ses acolytes. Hilarant !

Cette Belle au bois dormant ravira donc petits et grands grâce à une danse enjouée et généreuse, une interprétation frétillante et un regard original porté sur un conte atemporel. ♥ ♥ ♥ ♥

© François Stemmer
© François Stemmer