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La frimousse pétillante et mutine de Marilyn Monroe n’en finit pas de hanter les planches cette saison : après la Sur-prise d’Émilie Prévosteau et la Norma Jeane de Marion Malenfant, au tour de Claire Borotra (surtout connue à la télévision) d’incarner la blonde incendiaire. Particulièrement touchée par la vie en clair-obscur de cette icône brisée, l’actrice interprète son propre texte avec une émotion à fleur de peau touchante. Un peu plus d’une heure durant, l’auteur/comédienne distille les pastilles sous tension d’une existence orageuse. Une belle proposition à voir au Rond-Point.

Comment ne pas éprouver d’empathie pour la petite Norma Jeane Baker ? Du fond de son orphelinat, l’enfant demande en vain à sa mère de venir lui rendre visite à l’occasion de son anniversaire. Internée dans un hôpital et peu aimante, cette matrone a abandonné sa fille et ne lui a jamais révélé l’identité de son père. Privée de repères familiaux stables, la fillette se met à rêver de paillettes et de reconnaissance. En endossant le costume de Marilyn Monroe, la jeune femme désire ardemment devenir actrice, afin que ses parents l’aiment enfin. Consciente de son pouvoir d’attraction irrésistible, Marilyn expose son physique sans concession et se transforme en l’idole de toute une génération, Cependant, la gloire tant attendue et finalement arrivée ne masque pas le vide existentiel qui broie la comédienne. Souffrant de dépression, enchaînant les fausses couches et les histoires d’amour malheureuses, le destin effrayant de cette colombe disparue prématurément n’en finit pas de nourrir les fantasmes les plus fous.

Fascinée par les contractions de cet être insaisissable, Claire Borotra a  ressenti « une nécessité intérieure » à créer ce biopic théâtral, condensé et intime. Le spectacle se construit sous forme de lettres adressées à la mère de Marilyn mais jamais envoyées. Entreprise thérapeutique, l’écriture se donne à entendre comme un chant d’amour désespéré à une mère distante et froide. Le souvenir d’un séjour à la plage durant lequel mère et fille se donnent la main cristallise la volonté de Marilyn de nouer des liens chaleureux avec sa génitrice. Toute sa vie durant, la pin-up sexy et glamour n’aura de cesse de capter l’attention du plus de monde possible. Pour se sentir exister tout simplement.  L’intelligence du texte de Claire Borotra repose sur son esthétique fragmentée et duelle : elle s’attache à retranscrire à la fois la part lumineuse de Norma Jeane, ses espoirs toujours relancés et sa candeur charmante mais aussi ses zones d’ombre avec sa stérilité involontaire et malencontreuse et son insatisfaction permanente ainsi que son sentiment d’inadaptation au monde.

La mise en scène de Sally Micaleff fait la part belle à la sobriété : un lit, un dressing,et une grande rambarde suffisent à projeter l’univers monronien. Lumière et musique sont utilisées avec parcimonie, toujours au bon moment, pour appuyer un moment d’émotion prononcé. Claire Borota insuffle une double partition à son jeu : solaire, pimpante et désarmante d’innocence/tourmentée, névrosée et désabusée. Ce « soleil noir » dévaste tout sur son passage et fait preuve d’une sincérité d’interprétation saisissante.

Marilyn intime, projet qui tenait à cœur de Claire Borotra, constitue ainsi un moment de théâtre captivant, généreux et investi. Le mythe Marilyn se teinte d’une coloration plus personnelle, fracturée entre deux pôles extrêmes qui n’auront de cesse de se confronter. ♥ ♥ ♥ ♥

© Giovanni Cittadini Cesi
© Giovanni Cittadini Cesi