tribulations2

Seule sur scène avec ses bagages, la voisine d’enfance d’Olivier Py nous raconte ses péripéties identitaires, de ses trois ans à l’âge adulte avec sensibilité et malice. Vibrant hommage à ses racines bulgares, Les Tribulations d’une étrangère d’origine nous embarque dans voyage régressif émouvant et formidablement drôle. Élizabeth Mazev se livre avec sincérité sur le petit plateau du Lucernaire et nous fait passer un moment captivant.

Une femme entre sur scène, ses valises à les mains. Est-elle rentrée d’un voyage ou part-elle vers l’inconnu ? En tout cas, elle se pose l’espace d’une heure, le temps de nous raconter son histoire. Celle d’une fillette née en France de réfugiés politiques bulgares. Comment réussir à trouver sa propre identité lorsque l’on n’appartient pas entièrement aux deux cultures ? Élizabeth Mazev tente de répondre à cette question houleuse par le biais d’un humour tendre.

La comédienne raconte des tranches de vie truculentes avec une folie narrative exquise. Plus de quarante ans d’existence sont ainsi retranscrits sur scène : la chanson folklorique pour la fête du CP durement répétée, les insultes bulgares enseignées par le père, l’adoration pour Georgi Dimitrov, les road-trip estivaux en Bulgarie, la chute du communisme et l’accès au capitalisme… La petite histoire qui rejoint la grande en somme.

© Christophe Raynaud de Lage
© Christophe Raynaud de Lage

Adaptation de son récit autobiographique Mémoire pleine, Les Tribulations d’une étrangère d’origine se concentre donc autour de la construction personnelle d’une femme qui ne sait plus trop à quelle patrie se vouer. Profondément attachée à ses racines bulgares et à l’envie d’approfondir les connaissances linguistiques et culturelles de son pays, Élizabeth Mazev a cependant acquis les attitudes d’une occidentale, provoquant l’admiration de toute sa famille bulgare. Ce pluralisme culturel, riche et fécond nous procure quelques pépites : l’exposé en histoire-géographie récompensé d’un 20/20 pour avoir brillamment présenté la Bulgarie de A à Z (mention spéciale au papier toilette difficile à se procurer !) ou la fameuse hospitalité bulgare offrant dix kilos en plus à la clé ! Bref, de purs moments de bonheur agrémentés d’un final à nu et bouleversant. L’occasion de tomber les masques au sens propre comme figuré.

Élizabeth Mazev est épatante de bout en bout : passant sans problème d’un registre à l’autre, mêlant autodérision, lyrisme et finesse, l’actrice se livre à des confessions poignantes malgré la distance comique telles que le constat  douloureux d’un pays devenu laid et sans âme, capitaliste et impersonnel. la perpétuation de la langue à travers les générations ou l’art de conter héréditaire. Son spectacle est un petit bijou et on se prend à vouloir partir visiter la Bulgarie et vite…

Ainsi, Les Tribulations d’une étrangère d’origine se déguste comme une crème de riz au sirop de rose, avec gourmandise et émotion. Ce spectacle est conçu comme une madeleine de Proust délicieuse et touchante. À savourer avec plaisir.     ♥ ♥ ♥ ♥ ♥

© Christophe Raynaud de Lage
© Christophe Raynaud de Lage