perdues

La nouvelle comédie de Pierre Notte, artiste associé au Rond-Point, semble beaucoup emprunter à Almodóvar : travesti pudiquement déjanté, figures féminines mi-autoritaires, mi-blasées et un ton doux-amer persistant. Dans ce road-trip girly, les plus folles ne sont pas celles que l’on croit ! Centrée autour d’un trio de comédiens harmonieux dans le bordel le plus total, Perdues dans Stockholm se déguste comme une fable psychédélique addictive nonobstant quelques longueurs et des chansonnettes franchement ratées. Un pur régal dingo vous attend dans la petite salle intimiste Roland Topor.

Le destin de trois rêveuses se croise à Trouville le jour où Lulu, un jeune travesti voulant changer de sexe, kidnappe au rayon primeurs de Monoprix une comédienne de seconde zone qu’il a prise pour la Présidente d’honneur du festival américain de Deauville. La ramenant dans son mobile-home témoin qu’il occupe avec sa tante barrée désirant se rendre à Kyoto et revenir fonder une école de geishas, Lulu souhaite demander une rançon afin de pouvoir payer son opération. Lorsqu’il se rend compte de son erreur, le jeune homme hésite sur la démarche à adopter concernant son otage. Celle-ci, enfin heureuse et soulagée d’avoir été reconnue par quelqu’un, décide de retourner la situation à son avantage et met elle-même en scène son rapt afin d’obtenir une forte somme d’argent. Après une série d’aventures impliquant des crêpes ratées, un minigolf aux conséquences désastreuses ou la tentative foireuse de soutirer la fortune de la présidente de la région Normandie, notre trio de pieds nickelés parviendra à fonder son école de geishas et à revoir ses ambitions à la baisse. Le tout dans un parfum de gin alléchant et festif.

À n’en pas douter, le joyeux bordel de Pierre Notte titille nos zygomatiques avec des jeux de mots impayables, des situations ubuesques non dénuées de poésie sans oublier de s’attarder sur les faiblesses de nos trois Grâces : alcool, deuil, précarité, manque de confiance en soi, addiction au jeu. Résultat, ces personnages s’avèrent véritablement attachants et leur quête du bonheur se suit avec délectation. Sa mise en scène de bric et de broc s’accommode de quelques malles à surprises enchanteresses, se transformant en pédalos ou en humble cuisine à foison.

Les trois harpies au cœur tendre se partagent le plateau avec une belle complicité : Brice Hillairet émerveille en trav’ à robe virevoltant et bienveillant ; Juliette Coulon se déchaîne en actrice éprise de reconnaissance et Silvie Laguna nous régale en Tata protectrice et empreinte d’une douce folie. Trio de choc au programme !

Ainsi, Perdues dans Stockholm offre une parenthèse rafraîchissante en ce début d’été étouffant. Bien frappé, zinzin même, ce nouvel opus de Pierre Notte vous embarque dans des stratosphères comiques hilarantes. Une surprise en forme de coup de tonnerre pour cette grande vadrouille féminine ! ♥ ♥ ♥ ♥