Grand amateur de comédies musicales, Nicolas Briançon réalise son rêve de gosse en s’emparant d’Irma la douce à la Porte-Saint-Martin. Reléguée aux oubliettes sur la scène hexagonale, cette plongée pittoresque dans le Paris des années 50 se révèle haute en couleurs.

Au Cabaret des Inquiets, la tenancière Maman surveille attentivement l’idylle naissante entre sa protégée Irma la Douce, une prostituée au grand cœur et Nestor le Fripé, un voyou pseudo-lettré de seconde zone. Frappé de jalousie, l’apprenti maquereau manigance un stratagème vicieux : il se fait passer pour Monsieur Oscar, un richissime client afin de sonder la « fidélité » de sa belle. Sauf que ce plan apparemment si bien huilé se retournera contre son inventeur…

Retour vers le passé
Si Alexandre Brefort célèbre la France d’après-guerre dans un livret contemporain à cette époque d’insouciance et de festivités, l’enchantement nostalgique fonctionne à plein tube soixante ans plus tard : langage titi plein de gouaille ; Paris carte postale avec Montmartre en toile de fond, accordéon à tout va…

Nicolas Briançon ne cherche pas à faire dans l’épate bien que « musical show » soit mentionné sur les affiches. Loin du chic du Châtelet, le metteur en scène embrasse l’esthétique de pacotille de la comédie musicale à travers un décor cheap se contentant du nécessaire. Il conserve la présence extérieure de Maman, narratrice extravagante et narquoise incarnée par une Nicole Croisille absolument royale en meneuse de revue à l’aise dans ses talons hauts et son leggings léopard.

Reine du bal, elle est secondée avec malice par le couple vedette Marie-Julie Baup et Lorànt Deutch. Si la première distille une fraîcheur incontestable et possède un joli grain de voix, le second touche dans le mille en mari obstiné et maladroit malgré des fragilités évidentes dans le chant. Époux à la ville comme sur les planches, ils délivrent un jeu complice et tendre à croquer.

Quelques notes discordantes s’élèvent toutefois, à commencer par les faiblesses du livret tiré par les cheveux (la seconde partie centrée sur l’évasion de Nestor, suite à son arrestation pour le meurtre de Monsieur Oscar se révèle plus enlevée) ; d’autre part, un problème de sonorisation entrave sérieusement l’écoute des chansons. Systématiquement, l’orchestre couvre les voix au moment où la musique se met en branle d’où une incompréhension frustrante des paroles.

Dernier point négatif et pas des moindres : la sous-exploitation de deux pépites de la scène française des comédies musicales. Si le génial Andy Cocq (toujours aussi délirant dans ses rôles de folle ultra maniérée) possède un solo rythmé à souhait ; la pétulante Claire Perot sert littéralement de plante verte deux heures durant. Quel immense gâchis de la voir en choriste alors qu’elle aurait fait une Irma du tonnerre…

Nicolas Briançon signe donc une production fort sympathique, fleurant bon le plaisir régressif. Emportée par une belle troupe, cette Irma la Douce devrait satisfaire les amateurs de comédies musicales éloignées de tout clinquant et reposant sur une simplicité en toc loin d’être désagréable dans ce format souvent trop bien millimétré. ♥ ♥ ♥

IRMA LA DOUCE d’Alexandre Brefort. M.E.S de Nicolas Briançon. Théâtre de la Porte-Saint-Martin. 01 42 08 00 32. 2 h.

© Pascal Victor