jarry-atypique

L’adjectif atypique convient décidément parfaitement bien à Jarry. Dans un monde terne et gris, plombé par le chômage et les stéréotypes, cet humoriste s’amuse à dégommer minutieusement tous les clichés liés aux homosexuels et à l’emploi en s’en jouant avec un aplomb ubuesque déjanté et hyperbolisé. Son one se suit sans répit avec un plaisir communicatif. Un des meilleurs spectacles comiques du moment, tout simplement.

Jarry n’a pas de chance niveau emploi. Condamné au chômage depuis un certain temps, le pauvre n’a pas d’autre choix que de pointer à Pôle Emploi. Inutile de vous dire que cela ne l’enchante guère.

Le pivot du one tient donc en un lieu générateur de désarroi, d’attente interminable et de déprime sévère. Les sketchs sont bâtis autours des expériences professionnelles fantaisistes et plutôt très girly du comédien : policier, membre du GIGN, chef des majorettes, gymnaste, maître nageur, caissier chez Lidl, aspirant prêtre… Autant de métiers variés suscitant un fou rire volontiers sincère qui contamine tout le public. La construction rigoureuse et pertinente de Jarry atypique participe grandement à l’hilarité générale. Les sketchs sont très bien organisés et ne s’éparpillent pas : le déroulement du C.V suit sa courbe logiquement barrée et tient le cap jusqu’au final.

La réussite du spectacle provient principalement de l’humour gay friendly qui inonde constamment les propos et la personnalité de Jarry. Jouant avec beaucoup d’autodérision sur ses manières efféminées (sa célèbre formule « des bisous ! » sonne comme un running gag particulièrement savoureux) et sur sa voix de jouvencelle, l’humoriste n’hésite pas à surjouer à fond la carte du gay libidineux et sarcastique. Ainsi, il aimerait bien recevoir un coup de matraque de la part de ses supérieurs, ou bien manipuler avec dextérité son bâton de majorettes etc. Le sketch du caissier est sans doute parmi les plus aboutis et les plus drôles du show : on éclate de rire à tout bout de champ lorsque Jarry évoque la vente de préservatifs en promotion ou lorsqu’il tente de draguer lourdement un client.

L’autre point fort du one réside dans la polyvalence de Jarry, qui s’avère un vrai show-man : il chante, danse, virevolte, fait du cheval d’arçon avec un naturel charmant et plus que convaincant. Un vrai régal sur scène. Jarry ne tient pas en place et communique son énergie avec beaucoup de générosité.

Le public est évidemment mis à contribution et un bouc-émissaire, comme souvent dans les one, va subir les gentilles foudres de Jarry tout au long du spectacle pour aboutir à une montée sur scène hilarante où Jarry nous explique que le tout premier métier qu’il rêvait d’incarner, c’était princesse !

Ainsi, Jarry atypique se déguste comme une bouffée d’air frais bien rafraîchissante. On suit avec une attention amusée les pérégrinations professionnelles de ce pauvre Jarry, qui met le feu aux Trévise avec beaucoup de gaîté et de tendresse. Une petite pépite dans le monde ultra concurrentiel des one. ♥ ♥ ♥ ♥ ♥