À la Loge, Alexandre Zeff parachève en beauté son triptyque sur Koffi Kwahulé. Après Big Shoot et Jaz, le metteur en scène poursuit son exploration de la violence kwahulienne par le prisme d’un duo masculin/féminin. Tellurique et jazzy, ce huis-clos anxiogène va jusqu’au bout de son questionnement : l’homme est-il forcément un satyre en puissance ou bien sommes-nous hantés par des préjugés qui nous dépassent ?
Qui n’a jamais ressenti de sueurs froides en s’imaginant coincé dans un ascenseur ? Une panne va contraindre deux inconnus à cohabiter le temps de réparer l’incident. Alors que la promiscuité de l’espace aurait dû faire naître l’étincelle d’un dialogue, Koffi Kwahulé déjoue les attentes et bâtit sa pièce autour de deux monologues intérieurs. Prise de panique, la femme tremble dans la crainte d’un potentiel viol tandis que l’homme semble obsédé par son travail.
Limites malsaines
Les violences sexuelles faites aux femmes enflamment les débats en ce moment : dans Blue, tout est histoire de perception et de projection. Jamais l’homme ne se lance sur la femme : c’est elle qui s’imagine cette scène, voire la fantasme. Alexandre Zeff souligne avec vertige la porosité malsaine entre pulsion et effroi, attirance et dégoût. Dans un cube qui déploie progressivement ses parois translucides, le rêve d’une liaison secrète s’incarne dans des pas de danse endiablés façon La La Land. La musique résonne aussi comme un appel langoureux et érotique : le Mister Jazz Band swingue des airs romantiques. Contraste glaçant donc entre une idylle surfaite et surjouée et une prédation inversée (le chasseur n’est pas toujours celui qu’on croit…)
Vanessa Bile-Audouard incarne avec ambivalence la femme mi-angoissée, mi-excitée prête à tout moment à disjoncter tandis qu’Abdou N’gom la joue plus détendu, agile dans ses pas de danse façon Moonwalk. La tension entre les deux comédiens va crescendo et la lutte finale paraît inévitable. Le duo pallie les faiblesses d’écriture de la pièce, moins percutante que Nema ou Jaz. La mise en valeur de l’ascenseur en tant qu’entité démoniaque dédramatise la situation tout en jouant sur l’effet Tour infernale. La chute n’en sera que plus pénible pour nos deux acolytes… ♥ ♥ ♥
BLUE-S-CAT VARIATIONS de Koffi Kwahulé. M.E.S d’Alexandre Zeff. Théâtre de la Loge. 01 40 09 70 40. 1h.