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Sens dessus (La)desou

Jean Robert-Charrier n’a jamais caché son amour du boulevard. Pygmalion des temps modernes, le directeur de la Porte Saint-Martin n’a eu de cesse de mettre en valeur ses muses : Nicole Croisille, Amanda Lear ou encore Chantal Ladesou. Après Nelson, cette dernière est de nouveau sous les projecteurs avec 1983. Surfant sur la vague de la nostalgie, la pièce joue malicieusement sur le décalage générationnel.

1983. Presque quarante ans. Un passé à la fois récent et qui commence à devenir lointain. Un clin d’œil aussi à l’année de naissance du dramaturge/metteur en scène. Une année charnière pour Michèle Davidson, étoile montante de la mode qui a signé une collection éblouissante. Désireuse de vivre en autarcie afin de retrouver sa géniale fibre artistique, la créatrice a laissé le temps filer et ne sort plus de sa tanière de luxe. Quand son homme à tout faire, chargé de lui apporter de la nourriture, vient à mourir soudainement, son univers s’écroule. Le retour à la réalité risque d’être brutal…

Le choc des générations est évidemment propice à des quiproquos en pagaille et Jean Robert-Charrier ne se gêne pour enfoncer des portes ouvertes. Il aurait tort de s’en priver. Les réseaux sociaux, le téléphone… tout un nouvel arsenal d’outils de communication qui désarçonne notre styliste. Et que dire de l’arrivée de l’euro et de la mort de Mitterrand ! L’ensemble est savoureux et bien senti. Pas de temps mort et un vrai sens du rythme.

La pièce s’appuie sur une distribution au diapason à commencer par la reine Ladesou. Fidèle à elle-même, notre tourbillon comique fait une entrée fracassante sur la scène en mode diva. Elle assume ses bourdes et ses trous de mémoire avec un éclatant panache. Le public vient clairement pour elle ; pour l’entendre débiter son gloubi-boulga rauque et nonchalant avec autant de plaisir. Virevoltant dans les superbes costumes de Michel Dussarrat, notre déesse de l’humour mène son monde à la baguette ; en roue libre, elle fait ce qu’elle veut et cela fonctionne toujours.

Autour d’elle gravite un essaim de pépites à commencer par la révélation Florence Janas. Se glissant dans la combinaison ultra moulante d’une influenceuse cagole, la comédienne déclenche des hurlements de rire à chacune de ses interventions, de ses mimiques. Le face-à-face tendu entre elle, représentant toutes les dérives de la nouvelle génération et Ladesou, gardienne de l’ancien temps, crée inévitablement des étincelles. Quelle régalade ! Clémence Ansault, la fille de Ladesou, incarne avec naturel un contrepoids solidement ancré dans le présent.

1983 de Jean Robert-Charrier. M.E.S de l’auteur. Théâtre de la Porte Saint-Martin. 01 42 08 00 32. 1h30. ♥ ♥ ♥ ♥

© Jean-Louis Fernandez

Trois Castro pour le prix d’un !

Dès que le nom de Sébastien Castro apparaît sur une affiche, une seule envie : courir voir le spectacle ! Et encore une fois, le comédien à la diction inénarrable emporte l’adhésion. Au Théâtre Michel, sa nouvelle création, Une idée géniale, modernise les codes du vaudeville avec malice, appuyée par la mise en scène endiablée de José Paul.

Sur un canevas surréaliste et presque inconcevable, Sébastien Castro réussit à broder un vaudeville haut en couleurs et survolté. Génie des jeux de mots et maître des quiproquos, il a conçu un ensemble paradoxalement cohérent et maîtrisé. Les dialogues s’enchaînent sans fausse note. Complice de toujours, José Paul imprime un rythme d’enfer : portes qui claquent, allées et venues des « sosies », répartie du tonnerre.. Tous les ingrédients réunis pour passer une soirée sous le signe de la détente.

On aurait tous un sosie dans le monde… qu’on ne rencontrerait jamais dans la vie réelle ! Ce fantasme du double, propice à tous les malentendus possibles, a déjà été exploité dans l’Antiquité par Plaute dans son Amphitryon, repris par Molière. Réactivant ce motif, comique par essence, Sébastien Castro l’actualise à travers un concours de circonstances totalement improbable mais réjouissant.

Imaginez plutôt la situation : Arnaud pense que sa compagne Marion le trompe avec un agent immobilier. Croisant par hasard son sosie dans le RER, il décide de l’embaucher afin de confirmer ses soupçons. Sauf que le prétendu cocu n’avait pas prévu que Thomas, l’apprenti comédien, allait croiser le vrai agent ainsi qu’un frère jumeau…!

Les quatre complices sur scène s’entendent comme larrons en foire : José Paul et Sébastien Castro se sont bien trouvés. Le premier campe un conjoint jaloux et impatient comme pas deux, en mode pile électrique, alors que le second réussit le tour de force d’interpréter trois personnages totalement différents : Cédric, l’agent fat ; Thomas, le comédien lent à la détente et Jules, le jumeau plombier au patois incompréhensible. Quel génie ! Une simple mimique, une simple intonation suffisent à déchaîner les zygomatiques. À leur côté, Laurence Porteil apporte un vent de féminité bienvenue et du piquant. Et n’oublions pas Agnès Boury, délicieuse en voisine pot de colle un peu illuminée et ouverte à l’amour.

UNE IDÉE GÉNIALE de Sébastien CASTRO. M.E.S de José PAUL et Agnès BOURY. Théâtre Michel. 01 42 65 35 02. 1h20. ♥ ♥ ♥ ♥

© Émilie Brouchon

Le Montespan : un cocu digne de compassion

Quel drôle de destin que celui de Louis-Henri de Pardaillan, marquis de Montespan ! Après un mariage romantique avec Françoise de Rochechouart de Mortemart, le marquis déchante rapidement en apprenant que Louis XIV en personne a des vues sur son épouse. Furieux, il décide de la reconquérir en subissant maintes moqueries…

Au Théâtre de la Huchette, Salomé Villiers adapte tambour battant la biographie romancée de Jean Teulé. D’une fluidité remarquable, le travail de la jeune comédienne (qui incarne également la Montespan) permet d’appréhender les enjeux du texte avec aisance. Le spectacle se suit comme une feuilleton haletant avec rebondissements en pagaille.

La mise en scène, habile, d’Étienne Launay, fait feu de tout boix. Utilisant à bon escient l’espace exigu de la scène, il crée un univers cohérent à partir de voilages en tulle, d’arabesques, de jeux d’ombre et de lumière, de costumes d’époque, de perruques et de musiques de Lully. On se croirait presque dans un spectacle de Michel Fau. Et cela suffit pour embarquer le public à la fin du XVIIè siècle.

La direction d’acteurs, au cordeau, est à souligner. Simon Larvaron a la lourde charge d’incarner tout au long de la pièce le rôle du cocu magnifique. Il s’en tire à merveille. Jamais ridicule mais digne et tenace, il apporte de l’épaisseur à son personnage, voire une certaine amertume. Salomé Villiers est charmante de fraîcheur en Françoise/Athénaïs. Piquante et tourmentée, elle ne passe jamais pour une godiche superficielle. Déchirante en amante délaissée et en mère dédaignée, elle suscite la sympathie et la compassion. Pour compléter le trio, Michaël Hirsch tire son épingle du jeu en véritable caméléon : juge grotesque, roi d’Espagne enfantin, fils indigne, courtisane… Tout lui va ! Chacune de ses apparitions déclenche le rire.

Vous l’aurez compris, il faut vous précipiter à la Huchette pour vivre une tranche d’histoire aussi truculente que touchante.

© Lot

LE MONTESPAN d’après Jean Teulé. Adaptation de Salomé Villiers. M.E.S d’Étienne Launay. Théâtre de la Huchette. 01 43 26 38 99. 1h35.  ♥ ♥ ♥ ♥ ♥

Berlin Berlin : un mur comique à franchir avec allégresse

Au Théâtre Fontaine, Patrick Haudecœur et son acolyte Gérald Sibleyras ont troussé une comédie politique haute en couleurs. Sur fond de fin de guerre froide, Berlin Berlin multiplie les situations cocasses et fait la part belle à des personnages au caractère bien trempé. Une réussite.

Emma et Ludwig s’aiment et souhaitent échapper à la rudesse de Berlin Est. Pour passer à l’Ouest, Emma fomente un plan et devient l’aide-soignante de la mère âgée de Werner Hofmann, un agent zélé de la Stasi. Un passage secret se cache à l’intérieur de la bibliothèque et mène de l’autre côté du Mur…

La pièce n’est pas avare en rebondissements : le rythme est donc assez enlevé, le tout dans le décor astucieux imaginé par Édouard Lang. José Paul mise tout sur la synergie des comédiens qui semblent bien s’amuser sur scène. Anne Charrier emporte l’adhésion en James Bond Girl intrépide et novice ; Patrick Haudecoeur s’avère toujours hilarant en mari aimant, ahuri et un brin bêta. Les deux font la paire en Bonnie and Clyde du dimanche. Maxime d’Aboville, lui, est irrésistible en bon petit soldat félé du bocal légèrement inquiétant tandis que Marie Lanchas est exquise en virago communiste… Bref du beau monde ! Ne mettez pas d’obstacles entre ce Mur et vous ; ce serait trop dommage !

BERLIN BERLIN de Patrick Haudecœur et Gérald Sibleyras. M.E.S de José Paul. Théâtre Fontaine. 01 48 74 74 40. 1h30. ♥ ♥ ♥

© Bernard Richebé

Valérie Lemercier et Isabelle Gélinas dans Les Sœurs Bienaimé : je t’aime, moi non plus

Valérie Lemercier nous avait manqué sur les planches. Après Un temps de chien, elle retrouve son amie d’enfance Brigitte Buc dans Les urs Bienaimé. Jouant sur l’oxymore du titre, la dramaturge s’amuse à décortiquer les relations sororales dans une comédie honnête et efficace au Théâtre Antoine. On ne choisit décidément pas sa famille !

Imaginez le décor : une bergerie cévénole coincée au milieu de nulle part. C’est dans ce trou paumé que débarque après des années d’absence Pascale la citadine. Elle commence par retrouver Rémi, le complice de toujours mais ce n’est pas lui sa cible. La cadette rêve de renouer les liens avec son aînée Michelle mais les retrouvailles sont glaciales…

Avec sa nouvelle pièce, Brigitte Buc explore le ressort bien éprouvé des antagonismes familiaux à travers les portraits opposés de deux soeurs qui n’arrivent plus à communiquer. Pascale tente de recoller les morceaux et de proposer un nouveau départ, plus sain, à son aînée qui ne semble pas du tout réceptive. On se doute bien que derrière les piques et les vacheries se cache un amour pudique et tendre dont l’authenticité ne fait aucun doute. La dynamique entre les deux sœurs est mouvementée, pas de place à l’ennui malgré quelques longueurs. L’auteure évite le surplace et offre une évolution appréciable à cette relation dont on finit par comprendre les tenants et les aboutissants. Si la fin est cousue de fil blanc, nous ne boudons pas notre plaisir.

La pièce doit beaucoup à l’abattage de ses trois comédiens : Valérie Lemercier s’amuse en peau de vache bourrue, écorchée vive qui cache sa sensibilité derrière son allure de garçon manqué toujours pressé. On ne résiste pas à ses traits d’humour bien lancés. Face à elle, Isabelle Gélinas laisse apparaître ses failles de femme délaissée qui tente de se construire un avenir meilleur. Femme-enfant apparemment dans la bienveillance et la maîtrise, elle peut vite sombrer dans une folie douce ! D’où une palette de jeu assez étendue. Patrick Catalifo, au milieu de ce duo féminin, apporte une touche rassurante en confident bonne pâte (mais pas trop quand même). Ces trois-là se sont décidément bien trouvés !

Les urs Bienaimé de Brigitte Buc. M.E.S de l’auteur et de Gersende Michel. Théâtre Antoine. 01 42 08 77 71.1h10. ♥ ♥ ♥

© Victor Tonelli

Deux euros vingt : un divertissement en or !

L’argent peut-il détruire une amitié ? Au Théâtre Rive-Gauche, la nouvelle comédie de Marc Fayet réunit une bande de copains soumis à un jeu un brin pervers. Jackpot ! 

Deux euros vingt. Une somme dérisoire, non ? Pourtant, ces quelques pièces de monnaie vont semer la zizanie au sein d’un groupe d’amis réunis le temps des vacances.

L’argent est un puissant moteur dramatique. Molière en sait quelque chose avec son Harpagon. Jalousie, rancœur, manipulations, bassesses… L’appât du gain révèle bien des travers et met à mal une amitié qui dure pourtant depuis des années.

Avec sa plume entraînante et son sens (un peu prévisible tout de même) du rebondissement, Marc Fayet signe une pièce sans prétention mais portant un regard acéré sur la valeur de l’amitié. Peut-on dire toute la vérité à ses amis ? Faut-il mentir pour les préserver ? Cet équilibre précaire s’incarne avec justesse sur scène.

José Paul a insufflé une belle dynamique de troupe en soignant sa distribution. Chacun des six personnages possède un caractère bien trempé et les voir évoluer en couple ou en sextuor est réjouissant. Avec son air évaporé, Lysiane Meis est parfaite en fausse godiche portée sur la relaxation. Cynique à souhait, Michèle Garcia convainc en amie amère. Caroline Maillard tire son épingle du jeu en copine hypocrite. Marc Fayet s’en sort avec brio dans le rôle ingrat du maître du jeu taquin puis odieux. Le flegme serein de Gérard Loussine fait sourire tout comme les colères de Michel Lerousseau.

En somme, un bon divertissement en perspective. Un conseil : ne laissez rien traîner sur la table ! Qui sait à quoi vous vous exposeriez…

DEUX EUROS VINGT de Marc Fayet. M.E.S de José Paul. Théâtre Rive Gauche. 01 43 35 32 31. 1h30 ♥ ♥ ♥

© Fabienne Rappeneau

Lilo Baur nous offre une Puce bondissante au Français

Chez Feydeau, la question du déréglement sexuel est au cœur de tout. En adaptant un vaudeville peu connu du maître, La Puce à l’oreille, Lilo Baur met nos sens en ébullition. Le public de la Comédie-Française sort en effet revigoré de cette machine infernale du désir menée à un rythme trépidant par une troupe de comédiens habités.

La metteur en scène sort la carte d’un chic de façade qui cache des pulsions beaucoup moins recommendables. Rejetant les codes d’un jeu ultra réaliste, elle préfère plutôt adopter une distance loufoque et grinçante qui plonge le spectateur dans un ahurissement goguenard et qui sied parfaitement à l’absence totale de crédibilité de la pièce, totalement surréaliste.

Une lettre aura une importance capitale pour l’intrigue et inutile de vous dire que les quiproquos, les soupçons d’adultères et autres gaillardises en-dessous de la ceinture seront de la partie !

D’emblée, le décor est posé : un feu de cheminée (kitsch à mort avec ses grandes flammes artificielles), une tête de cerf, une horloge à coucou, une immense baie vitrée avec flocons de neige et de beaux canapés verts. Ambiance cocooning avant la tempête… On se sent bien oui en compagnie de ces félés jaloux, hystériques ou à côté de la plaque. Et ce, deux heures durant !

Sauts de puce
Si cette Puce à l’oreille rend tellement enthousiaste, c’est que Lilo Baur a intégré tous les ingrédients du vaudeville pour en restituer l’énergie débordante, voire bondissante ! Quelle fougue dans cette proposition ! Quelle attention portée aux déplacements qu’il s’agisse des pas de biche des vraies fausses potiches incarnées avec délectation par Anna Cervinka et Pauline Clément, de la foulée nerveuse de Thierry Hancisse, propriétaire d’hôtel despote ou bien encore le trublion Jérémy Lopez, mari sanguin à l’accent espagnol qui saute dans tous les sens. Les comédiens, admirablement dirigés, sont tous du côté de la vie avec leur exubérance et leur folie. Serge Bagdassarian impeccable dans un double rôle de mari net de domestique simplet.

L’acte II, prenant place à l’hôtel du Minet Galant, cristallise la tension sexuelle et façonne un labyrinthe de luxure contrariée assez vertigineux. On ne sait plus où donner de la tête, comme la patronne jouée par une Cécile Brune totalement dépassée par les événements.

Bravo donc à Lilo Baur pour ce travail généreux qui comble visiblement les comédiens présents sur scène et qui nous enchante également ! Feydeau a encore de beaux jours devant lui au Français… ♥ ♥ ♥ ♥


LA PUCE À L’OREILLE de Georges Feydeau. M.E.S de Lilo Baur. Comédie-Française. 01 44 58 15 15. 2h10.

© Brigitte Enguérand

Léa Drucker et Micha Lescot, un tandem digne de Feydeau !

Après un Système Ribadier décoiffant, Zabou Breitman se frotte encore à Feydeau dans La Dame de chez Maxim. Attentive à en restituer la mécanique explosive, la metteur en scène s’appuie sur une distribution quatre étoiles. Si le jeu des comédiens est de haute voltige, les longueurs bavardes du vaudeville auront eu raison de notre patience.

C’est la débandade dans la chambre du docteur Petypon ! Après une folle nuit d’ivresse, notre savant comate et ne se rend même pas compte de la présence d’une cocotte importune dans son lit ! Comment éviter le scandale ? En faisant passer la danseuse du Moulin Rouge pour sa légitime pardi ! C’est par ce fâcheux concours de circonstances que se noue l’intrigue de la pièce.

Feydeau se joue, comme souvent, de l’irréprochabilité de façade d’une bourgeoisie névrosée et lâche. Zabou Breitman accentue ce décalage et convie le public à une critique de l’intérieur de ce microcosme parisien avec comme détonateur une fille vraie et nature qui s’amuse comme une folle de la situation. Les magnifiques décors, dans l’esprit pop up, d’Antoine Fontaine, nous plongent dans un univers de faux-semblants où tout se joue sur des malentendus.

Troupe de dingues
Aucune place n’est laissée au hasard ici puisque les comédiens s’inscrivent dans une belle énergie de groupe, galvanisés par l’œil éclairé de leur metteur en scène. On aime retrouver Micha Lescot dans un rôle comique proportionnelle à sa taille. Élastique au possible, il se fait traîner dans tous les sens sans broncher, et son allure aristo-désinvolte sied parfaitement au rôle de beau salaud macho du docteur Petypon. Pour lui donner la réplique, Léa Drucker ne se fait pas prier en grisette franche du collier à la gouaille sympathique. Sa Môme Crevette donne du souffle et de l’entrain à l’ensemble même si on aurait pu imaginer une comédienne plus jeune dans le rôle.  Anne Rotger, impeccable de maîtrise, campe une Madame Petypon solidement accrochée à sa logique, pauvre dindon bigot complètement déboussolé. André Marcon, lui, jouit d’une belle autorité sur scène, un peu gaillarde. Il était donc idéal dans la peau du militaire fortuné.

Quelques gags récurrents tels que le fauteuil-somnifère ou le travestissement de ces messieurs en duchesses et baronnes donnent le sourire tout comme quelques scènes jouées en accéléré, clin d’œil aux balbutiements du cinéma ou encore cette parodie de duel effectué avec… des doigts !

Cependant, le temps semble s’éterniser à la Porte Saint-Martin. Des essouflements se font sentir assez rapidement malgré le train d’enfer que tente d’imprimer Zabou Breitman à la représentation. Le problème se niche bien dans le noyau textuel de la pièce de Feydeau, qui se ramifie à l’envi et s’enferme dans ses quiproquos jusqu’à l’écœurement. Bien que des coupes aient déjà été effectuées, il aurait encore fallu davantage oser tailler dans ce matériau afin d’offrir un rythme plus soutenu à l’ensemble. ♥ ♥ ♥

LA DAME DE CHEZ MAXIM de Georges Feydeau. M.E.S de Zabou Bretiman. Théâtre de la Porte Saint-Martin. 01 42 08 00 32. 2h.

© Jean-Louis Fernandez

Un sacré farceur, ce Tchékhov !

L’ouragan Émeline Bayart déferle au Théâtre de Poche et emporte tout sur son passage ! Après avoir enchanté l’insipide Fric-Frac, la magicienne du rire s’aventure en terres russes avec le même éclat. Avec Tchékhov à la folie, Jean-Louis Benoit donne un coup de fouet à deux courtes pièces du maître. Vaudevillesque à souhait, cette version donne à entendre les intermittences du coeur sur un mode survolté et réjouissant. On ne perd pas de temps pour conclure des mariages ici ! En piste !

La Demande en mariage et L’Ours sont traditionnellement montées en dy pour une bonne raison. Ces deux « plaisanteries » fonctionnent en un miroir grossissant et s’amusent à joindre deux couples mal assortis et qui ne savent pas comment exprimer leurs sentiments. En premier lieu, un propriétaire terrien vient demander la main de la fille de son voisin, une vieille fille institutrice au caractère bien trempé. Lui est un pauvre type un peu hypocondriaque et pas vraiment séduisant… La seconde pièce, elle, oppose encore une fois un propriétaire terrien, un vrai rustre celui-là, à une jeune veuve éplorée. Comment vont-ils bien pouvoir tomber amoureux l’un de l’autre ?

Jean-Luc Benoit ne perd pas de temps et bien lui en a pris. Sa mise en scène se veut allègre, hyperbolique, pleine de vie. Sans omettre la cruauté des situations, la misogynie du dramaturge, les rapports humains biaisés par l’argent. Cette rudesse terrienne se retrouve contrebalancée par une virtuosité comique absolument sensationnelle. Le trio de comédiens nous emmène sur l’Himalaya des zygomatiques. Ils en font des tonnes mais cela ne dessert jamais le texte, bien au contraire.

Il faut commencer par évoquer l’impériale Émeline Bayart bien sûr. Elle est monstrueuse, cette ogresse comique. Il lui suffit d’une mimique pour qu’on se torde de rire. Tour à tour sidérée, volcanique, compassée ou tragédienne, elle excelle dans tout ce qu’elle fait. Jean-Paul Farré est un clown fantasque et bourru tandis que Manuel Le Lièvre est hilarant en futur époux plein de tics et enragé comme un gamin.

On sort du théâtre ragaillardis par tant de bonne humeur et d’abattage. Tchékhov aurait sans doute apprécié… ♥ ♥ ♥ ♥

TCHÉKHOV À LA FOLIE (L’OURS ET LA DEMANDE EN MARIAGE) d’Anton Tchékhov. M.E.S de Jean-Louis Benoit. Théâtre de Poche. 01 45 44 50 21. 1h15.

© Victor Tonelli

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